Revue Chemins d'étoiles n° 9
Mars 2002 - ISSN XXXX-XXXX - 5 €
Editorial
“Grands bois, vous m’effrayez comme des cathédrales…”, Baudelaire l’a écrit, et des générations de poètes, d’enfants, de soldats, de voyageurs, de pèlerins l’ont dit : la forêt attire et fascine, mais elle inquiète aussi terriblement…
Car elle est domaine de l’étrange : foris, au-delà du seuil, inconnu.
Jacques Brosse a bien analysé cette “peur panique” des Anciens, qui croyaient ce lieu habité par le dieu Pan, cette audacieuse divinité de la Nature “capable de tout”. De tout ce qui donne la vie, et la mort.
C’est bien là que réside l’ambiguïté de la forêt. Si l’arbre s’élance vers le ciel, c’est parce qu’il s’enracine dans la terre, royaume des Enfers. Son tronc est unique, mais ses branches dessinent une multitude de possibilités.
L’arbre de vie qui soutient le toit des maisons. L’arbre de mort qui garnit le fût des canons.
Un conte indien évoque un arbre prodigieux qui s’élevait dans un pays aride, chargé de fruits merveilleux. Mais la moitié de ces fruits était empoisonnée… Des deux branches ouvertes en haut du tronc, l’une portait la vie, l’autre la mort. Et on ne savait laquelle nourrissait et laquelle tuait. Un jour de grande famine, un vieil homme se risqua à goûter un fruit. Il fit le bon choix et resta en vie. Tous à sa suite se rassasièrent. Puis ils coupèrent la branche maudite. Le lendemain, les fruits comestibles étaient tombés et pourrissaient déjà. Le feuillage s’étiolait et l’écorce avait noirci. Tronqué de sa moitié, l’arbre était mort.
La forêt est l’antre du mystère qui se dévoile. Elle invite à “sortir de chez soi” (foris), à risquer sa vie pour la sauver : tentation, transgression, révélation. Dans toutes les civilisations, l’arbre, médiateur, prodigue cette connaissance du bien et du mal. Mais l’homme en déforme souvent le message. Pour le restituer, l’arbre répète, au rythme des saisons, le cycle vital de morts et de renaissances.
Aux confins du monde, un vieillard incarne la sagesse : promis au réveil d’un nouveau printemps, l’“Arbre sec” un jour reverdira.
Gaële de La Brosse
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